Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/252

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Ces gens nus et portant pour tout bagage une écuelle (calebasse vidée), viennent on ne sait d’où, il y en a qui sont en marche depuis plusieurs années. Le Dr Ruppel en a vu au Kordofan qui étaient en route depuis sept ans ; MM. Barthélemy et Métayssier, en venant de Keneh à Kosséir, en ont trouvé un à demi mort de soif sur la route ; il était en marche dans le désert depuis un an. Quelques-uns viennent avec leurs femmes, elles accouchent en route. Des Tartares de Bukkara, en bonnet fourré, nous demandent l’aumône, ils ont des figures d’affreux gredins, l’un surtout à qui il manque deux dents sur le devant et qui sourit. Nous les retrouvons couchés à l’ombre d’une barque et recousant leurs haillons. Les pèlerins vous persécutent pour avoir l’aumône et se ruent comme des vautours affamés sur les écorces des pastèques, que l’on dévore ici jusqu’au vert. — Nègres excessivement grands, et non moins extraordinairement maigres ; ils semblent n’avoir que les os et être d’une faiblesse extrême, c’est encore une espèce particulière de nègre. — Pirogues de pêcheurs de perles, qui sont creusées dans des troncs d’arbres ; avirons qui sont de simples perches au bout desquelles on a cloué une planchette ronde. Nous nous promenons au bord de la mer, le long des barques tirées sur la plage ; plusieurs sont en une espèce de bois des Indes, jaune, très dur, toutes sont clouées avec des clous en fer. — Impitoyabilité de M. le consul, qui ne demande pas mieux que d’allonger la promenade d’une petite demi-heure, je suis harassé de lui et de fatigue. Parmi les animaux féroces, un des plus dangereux c’est « l’homme qui aime à faire un tour ».