Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/334

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voûtée, éclairée par une lampe suspendue, en verre, à triple chaînon. Le soir, consultation à une grande femme juive, avec son bonnet rouge, qui nous amène son pauvre petit enfant tout pâle et dolent de fièvre. — Notre hôte fumait son chibouk sur le divan de Max, avec ses deux jeunes garçons à ma gauche.

Montagnes rousses au premier plan, léopardées de cailloux noirs ; par places cela fait des plaques de tigré. Les descriptions d’horizon précédentes sont toutes résumées dans la vue que l’on a de Zafeth (Bétulie).

Je passe une exécrable nuit, pleine de puces, de punaises, et démangeaisons de toutes sortes. N’y tenant plus, je prends la pelisse de Max et je me hasarde à traverser la chambrée juive et à aller dormir à l’air. Toute la famille est vautrée par terre, pêle-mêle, sur des matelas, le père ronfle, la mère pisse, l’enfant crie, ça sent la chassie et la vesse nocturne. Je vais tâcher de dormir sur la terrasse à côté de Joseph et de Sassetti, couchés sur une natte, Sassetti roulé dans son manteau, et Joseph roulé dans sa couverture de feutre. Il fait si froid et la peau me brûle tellement que je ne peux prendre du repos ; le matin seulement, vers 9 heures, j’ai roupillé un peu sur mon divan-insecte. À 11 heures nous nous préparons pour partir. Notre hôte nous parle des dangers de la route : on a assassiné celui-ci à tel endroit, volé celui-là à tel autre ; il y a quelques jours on a tué un Turc, on lui a coupé la tête et les mains, etc. Nos gardes sont à la mosquée ; tous ces gens sont fort dévots en voyage, et avant de partir ils se mettent la conscience en règle : quelqu’un de