Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

met dans un toute une famille, quelquefois une nation entière. Ils sont effondrés, l’endroit sent le cadavre. Nous nous sommes penchés à l’embouchure d’un de ces caveaux et nous avons vu dedans plusieurs débris humains pêle-mêle, un gros chien mort (sans doute qu’il sera entré là alléché par l’odeur et que, ne pouvant en sortir, il y sera crevé), puis, au fond, une sorte de momie desséchée, raidie sous des lambeaux de linceul. Çà et là quelques têtes sans corps, quelques thorax sans têtes, et, au milieu, jaune, blond doré, serpentant dans la poussière grise, une longue chevelure de femme.

Un peu plus loin on nous montre les ruines d’une chapelle bâtie à l’endroit où saint Paul fut renversé de cheval par l’apparition de l’ange. Nous longeons le mur de grands jardins pleins d’ombre. Les murs sont composés d’espèces de grands carrés, faits de boue et de cailloux et mis les uns sur les autres, le vent en enlève la poussière et la fait tourbillonner dans le chemin. Nous arrivons à côté des remparts, près d’un marais d’où les corbeaux s’envolent, charmant endroit plein d’ombre, de silence et de fraîcheur. Quelle belle et bonne chose que la verdure en Orient ! À notre gauche, se trouve une fontaine ; sur une pierre, à côté, un homme est assis, il nous râle quelque chose en arabe et tend vers nous ses bras. Ses lèvres, rongées, laissent voir le fond de son gosier, il est atroce de purulences et de croûtes ; à la place de doigts ce sont des loques vertes qui pendent, c’est sa peau ; avant de mettre mon lorgnon, j’avais cru que c’étaient des linges. Il est venu là pour boire.

Nous entrons dans une espèce de petite ferme