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NOTES DE VOYAGES.


Lac Majeur (Laveno-Baveno) plus grand, plus vaste, paysage plus étendu que celui du lac de Côme. Ce n’est plus si italien, si chaud. Quand le lac est agité on dirait une mer, mais une mer enfermée, l’infini ne vous y prend pas. Plus on le contemple du reste, et plus il s’agrandit.

Isola Madre : paradis terrestre ; arbres à feuilles d’or que le soleil dorait. On s’attendait à voir apparaître derrière un buisson le sultan grave et doux, avec son riche yatagan et sa robe de soie. C’est le lieu du golfe le plus voluptueux que j’aie vu, la nature vous y charme de mille séductions étranges, et l’on se sent dans un état tout sensuel et tout exquis. S’il durait longtemps, il ferait mal, tant il est nouveau ; puis on s’y accoutume et cela passe comme autre chose. — Deux percées encadrées de verdure et voyant le lac. — Arbres de tous les pays du monde, citronniers, orangers, palmiers, hêtres, etc., dont la cime paraît le haut des monts couronnés de neige.

Excursion à Arona. — Bateau à vapeur : presque rien que des gens du pays ; vieille Anglaise prenant des notes et regardant dans son livre le nom de chaque coin de terre.

Statue de Charles Borromée, grande, sale, huileuse sous sa peinture, grandes oreilles détachées de la tête. Ensemble laid.

Retour fatigué à Baveno.

Isola Bella, le soir même. Quelle différence avec Isola Madre ! Le palais est grand, immense, on y a logé 2,000 personnes. Mais rien n’y sue le luxe ni l’aristocratie ; pas un escalier de marbre, ni un vrai beau tableau. J’aime mieux un seul des palais de Gênes. J’aime peut-être trop Gênes ? mais non ! ce