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NOTES DE VOYAGES.

V

J’ai souvenir, pendant la première nuit, d’une côte que nous avons montée. C’était au milieu des bois. La lune, par places, donnait sur la route. À gauche, il devait y avoir une grande vallée.

La lanterne qui est sous le siège du postillon éclairait la croupe des deux premiers chevaux. Ma voisine, endormie, la bouche ouverte, ronflait sur mon épaule. Nous ne disions rien ; on roulait.

Le soir, vers dix heures, on s’est arrêté à Nangis-le·Franc pour dîner ; les hommes ont fumé dans la cuisine autour de la grande cheminée. Des voyageurs pour le commerce ont causé entre eux. L’un d’eux prétendait en reconnaître un autre, ce que cet autre niait. Pourtant il se souvenait de l’avoir vu chez Goyer, à Clermont. Il y avait bien de cela dix-huit bonnes années, et même il faisait un fameux tapage parce qu’on lui avait donné un lit trop court. — « Ah ! comme vous étiez en colère. — Oui, pardieu, vous criiez joliment. — C’est possible, Monsieur, je ne nie pas, il se peut, mais je n’ai point souvenance. »

VI

Donc de Paris à Marseille (voilà la troisième fois que je monte ou descends cette route, et dans quelle situation différente toutes les fois !) rien qui vaille la peine d’être dit.

Parmi les passagers du bateau de la Saône,