Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/170

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ce moment, je me suis contenté de rester au bas du talus, mon compagnon de fardage m’apportait le bagage jusque-là.

Maxime et François reviennent avec les chevaux de bagage, mouillés jusqu’aux oreilles ; ce n’a pas été non plus facile. Il pleut, nos selles sont trempées, je les bouchonne avec l’écharpe péloponésienne que j’ai achetée dimanche à Dravoï, et nous repartons.

La plaine est viable, la pluie se calme ; à gauche la mer, bleu gris sale, avec Zante dans la brume ; plus près de nous, Gastuni sur une montagne, en acropole. Nous rencontrons, allant dans le même sens que nous, de bons gendarmes, dont l’un tombe de cheval en voulant sauter un fossé large de 18 pouces.

Avant d’arriver à Dervish-Tcheleby, clôtures d’aloès ; ils sont fort beaux, touffus, avec leurs grandes palmes épaisses, recourbées.

Depuis le passage du fleuve jusqu’à notre arrivée, je m’exerce à faire le hurleur ; François y excelle et me donne des leçons, le soir j’étais arrivé à une certaine force ; mais j’avais, comme disait Sassetti à propos des chevaux qui trottaient dur, « l’estomac défoncé ».

Pendant que nous sommes sur le balcon de notre maison, à Dervish-Tcheleby, attendant notre bagage, nous voyons un maître chien noir hurler après deux hommes et les poursuivre. Ce sont des musiciens ambulants : l’un joue du biniou et l’autre le suit en portant un énorme bissac accroché à son côté ; ils viennent à nous, tous deux couverts de ces lourds manteaux blancs des paysans grecs, si pesants qu’on ne met jamais les