Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/63

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quons dans la direction de la ferme polonaise, nous descendons une pente horriblement inclinée ; sans les broussailles nous glisserions comme une tuile : c’est tout ce que nous pouvons faire que de n’être pas écrasés par nos chevaux qui se laissent aller sur les pieds de derrière. — Petits cours d’eau sous des chênes rabougris couverts de neige, quelques bruyères, flaques d’eau gelées dans les fondrières, mais le plus souvent pelouse de neige. La lumière blanche et froide a l’air d’être factice, notre souroudji slave chante dans les intervalles du galop, Kosielski se rappelle la Pologne, et moi je pense à la Tartarie, au Thibet, aux grands voyages d’Asie. — Arrivés à la ferme vers 1 heure et demie : un chevreuil égorgé suspendu à la porte à un poteau, Polonais chauve, un jeune homme à cravate rouge et en blouse, du feu dans la cheminée de plâtre ; aux murs, lithographies dans le goût Devéria, représentant les Polonais en Angleterre, scène de cottage, départ des Polonais pour la Sibérie, etc. — Silence de la ferme entourée de neige. — Me chauffant à cette cheminée, il m’est revenu en mémoire le souvenir de jours d’hiver où j’allais avec mon père chez des malades à la campagne. — Nous mangeons un morceau de viande et des pommes de terre.

À 3 heures repartis, on accroche à grand’peine le chevreuil au cheval du souroudji. — En revenant, la route descend presque toujours. — Grand trot soutenu, relevé de temps de galop ; je tiens la tête de mon cheval au bout de mon bras, nous passons comme des fous la prairie des Eaux douces. À Randilih, pas de caïque ! nous reprenons le pavé. Trot rapide ; Kosielski lance son