Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/78

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Dimanche 5 janvier. — Partis à 7 heures juste. Le soleil se levait derrière le Parnès, que nous avions franchi hier ; de grandes bandes rouges s’étendaient dans le ciel, dans l’intervalle béant entre deux pics de montagnes. Nous sommes montés à cheval, couverts de nos peaux de biche et ressemblant à des faunes par les cuisses. La route sur le versant oriental du Cithéron longe un ravin à sec, un vent glacé nous souffle au visage, je suis obligé, malgré mon triple costume, de me battre les bras à l’instar des cochers de fiacre de Paris. Le chemin est carrossable ou à peu près ; de temps à autre, aux tournants, ponts en pierre jetés sur le torrent.

Au bas de cette montagne la route cesse, on descend parmi les pierres à même la pente. De là s’étend devant vous toute la plaine de Platée ; à gauche, tout près et vous dominant immédiatement, le Cithéron couvert de neige d’autant plus tassée et unie que l’œil remonte vers son sommet, qui est couronné, dans toute sa forme oblongue, d’une calotte de nuages très blancs que l’on prendrait de loin pour un glacier. Ils sont immobiles et se tiennent là comme gelés par les neiges qu’ils recouvrent ; à l’extrémité de la montagne ils s’allongent, font une courbe comme pour descendre à terre et s’évaporent. À nos pieds, au bas de la descente, un peu sur la droite, le petit village de Kriekonki. Au fond de l’horizon et fermant la grande plaine, l’Hélicon à gauche et le Parnasse à droite : le premier, en dôme pointu ou angle dont le sommet est adouci ; le second s’étendant davantage et bien plus couvert de neige que son voisin. Le côté droit de la plaine (Est) est fermé