Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/159

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noires, des oiseaux sinistres voltigent, des serpents s’enroulent aux barreaux des chaises, il y a sous une table un affreux dragon se tordant, bavant, rugissant ; on a peur, on palpite, on tremble pour l’âme de l’évêque. Quel dommage si un homme pareil allait en enfer ! Ira-t-il ? n’ira-t-il pas ? Tout en conservant le calme de l’enfant de chœur, le spectateur ne peut s’empêcher de partager les transes du vicaire et la douleur de la servante. Heureusement que la sainte Trinité veille au salut de l’évêque. En haut est le Père Éternel habillé en pape ; un peu plus bas, à distance respectueuse, le Christ avec sa croix, et plus bas encore, sur un troisième coussin, la Vierge Marie. Ils envoient vers l’évêque de jolis anges qui traversent l’air, ayant à la main des lis lumineux et qui, marchant dignement sur des nuages de mastic, arrondissent leurs mollets rebondis où se rattachent les cordons roses de leurs cothurnes indigo.

Ô sainte religion catholique, si tu as inspiré des chefs-d’œuvre, que de galettes, en revanche, n’as-tu pas causées !

En contemplant cette épouvantable toile, et en songeant que beaucoup l’ont pu regarder sans rire, qu’à d’autres sans doute elle a semblé belle, que d’autres enfin se sont agenouillés devant, y ont puisé peut-être des inspirations suprêmes, nous avons été pris malgré nous d’une mélancolie chagrine. Mais qu’y a-t-il donc dans le cœur de l’homme pour que toujours et sans cesse il le jette sur toutes choses et se cramponne avec une