Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/188

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Les cloches ont redoublé leur volée, on a entendu des chants, on a battu du tambour, on a tiré des coups de fusil et deux files de gamins ont débouché des deux côtés de la rue. Au milieu circulait un prêtre en surplis qui commandait la manœuvre à l’aide d’un livre en bois qu’il fermait par un coup sec qui résonnait comme celui d’un battoir. Les enfants avaient des pantalons boutonnés par-dessus leur veste, un cierge éteint à la main droite et braillaient comme des ânes. Après eux venaient les petites filles toutes en robes blanches, avec des ceintures bleues, et au milieu d’elles un ecclésiastique quelconque pareillement occupé à aller de rang en rang pour les faire s’avancer, s’arrêter, repartir, chanter et se taire. Enfin venaient les chantres et les chanoines ouvrant tous la bouche, baissant les jeux et marchant au pas, en se prélassant dignement dans leurs belles chasubles d’église. Je me souviens d’une surtout qui était de velours violet brodé d’or ; elle brillait là, seule, unique, splendide, effaçant toutes les autres ; l’homme qu’elle recouvrait jouissait à la porter, il s’y délectait, il ne pouvait s’empêcher de sourire tout en chantant, et de se dandiner des épaules pour faire admirer le pan de derrière où était brodé un saint ciboire surmonté d’un soleil. Si le chapitre, en effet, n’en possède pas une seconde, s’il y a soixante gens en droit de la revêtir et qu’on ne fasse que sept ou huit processions par année, voilà peut-être dix ans qu’il l’attend, qu’il l’espère, qu’il languit, qu’il