Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/192

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et des plans inégaux ; c’était large et vert. Comme un poulain en liberté le regard galopait dans la campagne et se roulait sur l’herbe fraîche. À mesure que nous avancions, des pierres disséminées sur le sol augmentaient de nombre et de grandeur, et détachaient leurs formes inégales parmi les bouquets d’ajoncs jaunes. Au milieu d’elles se dresse, sur une hauteur de onze pieds, un cône de granit renversé, posé sur une saillie de rocher presque à fleur de terre. Telle est la fameuse pierre branlante de Trégunc que les maris autrefois venaient ébranler pour savoir à quoi s’en tenir sur le compte de la chasteté de leurs épouses. Si la pierre remuait, cela voulait dire : vous l’êtes ! et si elle ne bougeait : revenez demain. Des auteurs assurent l’avoir mise en mouvement, mais pour nous, qui sommes célibataires, elle est restée aussi inébranlable à tous nos coups d’épaule que l’aurait été la grande pyramide d’Égypte.

Deux heures après nous étions de retour à Concarneau. La pluie avait repris de plus belle, notre hôtesse nous faisait pour rester les plus aimables instances. Il y avait certes de quoi retenir des chiens ou charmer des tigres, néanmoins nous nous informâmes de suite d’un véhicule quelconque qui pût nous mener le soir même coucher à Fouesnant, la patrie des belles femmes. On trouva d’abord la voiture, puis un homme pour nous conduire, puis le cheval et enfin des harnais. Après que tout se fut ajusté l’un dans l’autre à grande peine, nous nous huchâmes dans le tape-