Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/232

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ne sait pas où ça vous mène, tandis qu’avec une vieille bouteille on s’arrête où l’on veut. » C’est un homme d’ordre, actif, malin, prudent et qui a peur des voleurs. Il paraît flatté de la considération qu’on lui montre ; il respecte beaucoup les lois et vénère les gens de justice, notaires, avoués, huissiers ; il porte un couteau-poignard et jamais n’ôte son chapeau.

Chemin faisant, il raccrochait les jeunes gens qu’il rencontrait et leur proposait de se vendre. Le remplaçant est d’ailleurs pour lui le type accompli du soldat parce qu’il ne craint rien, ne tient à rien, donne sa peau pour quelques centaines de francs, en un mot parce que « le remplaçant est comme un forçat », définition qui satisferait peu les défenseurs de l’honneur militaire.

M. Genès n’aime pas le spectacle, c’est une des causes, entre autres, pour lesquelles il est sorti de la police ; cela l’ennuyait fort d’être obligé tous les soirs d’aller au théâtre. Puis, on lui disait aussi : « M. Genès vous avez tort ! un homme comme vous ne doit pas être attaché à la police. » Du reste il ne fréquente pas davantage les églises, il nous a déclaré n’y avoir pas mis les pieds trois fois en sa vie ; il est voltairien, d’ailleurs, et ami du progrès, mais toutefois plus ami du gouvernement encore. Il souhaite la guerre, « ça ferait aller le commerce ».

À Plougastel cependant il s’arrêta comme nous, pour que nous puissions voir le calvaire, petit monument de granit, carré, dont chaque face