Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/253

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presser les testicules, lui déchirer les oreilles, il ne lâchait point, et l’on fut obligé d’aller chercher un louchet pour lui desserrer les dents de force. Quand tout était séparé, chacun se reposait, l’ours se couchait, les chiens haletaient, la langue pendante ; les hommes, en sueur, se retiraient d’entre les dents les brins de poil qui y étaient restés, et la poussière soulevée par la mêlée s’éparpillait dans l’air et retombait à l’entour sur les têtes du public.

On amena successivement deux autres ours dont l’un imitait le jardinier, allait à la chasse, valsait, mettait un chapeau, saluait la compagnie et faisait le mort. Après lui vint le tour de l’âne. Il se défendit bien ; ses ruades lançaient au loin les chiens comme des ballons ; serrant la queue, baissant les oreilles, allongeant le museau, il courait vite et tâchait toujours de les ramener sous ses pieds de devant, pendant qu’ils tournaient autour de lui et lui sautaient sous la mâchoire. On le retira néanmoins fort essoufflé, grelottant de peur et couvert de gouttes de sang qui coulaient le long de ses jambes rendues galeuses par les cicatrices de ses blessures, et mouillaient avec la sueur la corne usée de ses sabots.

Mais le plus beau fut le combat général des chiens entre eux ; tous y étaient, grands, petits, chiens-loups, bouledogues, les noirs, les blancs, les tachetés et les roux. Un bon quart d’heure se passa préalablement à les animer l’un contre l’autre. Les maîtres, les tenant dans leurs jambes,