Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/256

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gravit une grande rue droite dont le milieu est occupé par une file d’échoppes de brocanteurs et de marchands de ferraille et l’on arrive enfin sur l’esplanade des derniers remparts. Ce jour-là le ciel était sans nuages, tout bleu, la mer aussi ; à l’entrée de la rade, la brise du large donnant contre les récifs faisait s’étendre sur tout ce côté de l’horizon une longue ligne blanche ; les bâtiments à l’ancre se tenaient immobiles ; près de nous, appuyé contre une meurtrière, un marin regardait avec une longue-vue, un homme du peuple en chemise traînait un petit enfant dans un chariot, les gamins jouaient dans les fossés, les orties verdoyaient au pied des murs, et le soleil brillait sur les buffleteries de cuivre des sentinelles.

La campagne qui entoure Brest n’a pas la sauvagerie silencieuse des environs de Crozon et de Landévennec, mais les arbres sont plus nombreux, plus verts, presque noirs. Jusqu’au Conquet, la route, comme nageant dans la verdure, monte et descend, tourne au flanc des collines, coupe des prairies ; on file entre de grands genêts.

Ne vous arrêtez pas à Lockrist pour voir le tombeau de Michel Nobletz, car l’église est détestable, le tombeau stupide et Michel Nobletz ressemble à saint Vincent de Paul qui n’était pas un bel homme. Le Conquet lui-même, grand bourg paisible dont les habitants semblent partis, ne vaudrait pas la peine de s’être dérangé pour le voir s’il n’y avait non loin l’abbaye démantelée de Saint-Mathieu. À découvert sous le ciel, la nef