Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/258

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immense bassin d’azur dans une conque de rochers que cisèlent sur ses bords les promontoires couverts de marbres qui s’éboulent, les sables jaunes, les palmiers qui pendent, les sables, les golfes qui s’évasent ? Mais ici plus rien n’arrête. Rapide comme le vent, la pensée peut courir, et s’étalant, divaguant, se perdant, elle ne rencontre comme eux que des flots ; puis, au fond, il est vrai, tout au fond, là-bas, dans l’horizon des rêves, la vague Amérique, peut-être des îles sans nom, quelque pays à fruits rouges, à colibris et à sauvages, ou le crépuscule muet des pôles, avec le jet d’eau des baleines qui soufflent, ou les grandes villes éclairées en verres de couleur, le Japon aux toits de porcelaine, la Chine avec les escaliers à jour, dans des pagodes à clochettes d’or.

C’est ainsi que l’esprit, pour rétrécir cet infini dont il se lasse sans cesse, le peuple et l’anime. On ne songe pas au désert sans les caravanes, à l’Océan sans les vaisseaux, au sein de la terre sans les trésors qu’on lui suppose.

Nous nous en revînmes au Conquet par la falaise. Les vagues bondissaient à sa base, accourant du large ; elles se heurtaient contre, et couvraient ensuite de leurs nappes oscillantes les grands blocs immobiles. Une demi-heure après, emportés dans notre char à bancs par deux petits chevaux presque sauvages, nous regagnions Brest, d’où le surlendemain nous partîmes avec beaucoup de plaisir.

En s’écartant du littoral et en remontant vers la