Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révélaient ces vieux mondes devenus fantastiques, qu’elles nous disaient quelque chose des villes englouties, Ys, Herbadilla, lieux splendides et féroces, pleins des amours des reines enchanteresses, et qu’ont doublement effacés à tout jamais la mer qui a passé dessus avec la religion qui en a maudit la mémoire.

Il y aurait là beaucoup à dire. Sur quoi, en effet, n’y-a-t-il pas à dire ? Si ce n’est sur Landivisiau toutefois, l’homme le plus prolixe étant forcé d’être concis quand la matière lui manque.

Je remarque que les bons pays sont généralement les plus laids, ils ressemblent aux femmes vertueuses ; on les estime, mais on passe outre pour en trouver d’autres. Voici, certes, le coin le plus fertile de la Bretagne ; les paysans semblent moins pauvres, les champs mieux cultivés, les colzas magnifiques, les routes bien entretenues, et c’est ennuyeux à périr.

Des choux, des navets, beaucoup de betteraves et démesurément de pommes de terre, tous, régulièrement enclos dans des fossés, couvrent la campagne, depuis Saint-Pol-de-Léon jusqu’à Roscoff. On en expédie à Brest, à Rennes, jusqu’au Havre ; c’est l’industrie du pays ; il s’en fait un commerce considérable. Mais qu’est-ce que cela me fait à moi ? croyez-vous que ça m’amuse ?

À Roscoff on voit la mer, elle découvre devant les maisons sa grève vaseuse, se courbe ensuite dans un golfe étroit, et au large est toute tachetée d’îlots noirs, bombés comme des dos de tortue.