Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/284

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sur le sable. De petits rochers couverts de varechs surgissent de la grève à ras du sol, comme des taches noires sur cette surface blonde. Les plus grands, dressés en rang à pic et tout unis, supportent de leurs sommets inégaux la base des fortifications, en prolongeant ainsi la couleur grise et en augmentant la hauteur.

Au-dessus de cette ligne uniforme de remparts, que çà et là bombent des tours et que perce ailleurs l’ogive aiguë des portes, on voit les toits des maisons serrés l’un près de l’autre, avec leurs tuiles et leurs ardoises, leurs petites lucarnes ouvertes, leurs girouettes découpées qui tournent, et leurs cheminées de poterie rouge dont les fumignons bleuâtres se perdent dans l’air.

Tout à l’entour sur la mer s’élèvent d’autres îlots sans arbres ni gazon sur lesquels on distingue de loin quelques pans de mur percés de meurtrières tombant en ruines et dont chaque tempête enlève de grands morceaux.

En face de la ville, rattaché à la terre ferme par une longue jetée qui sépare le port de la pleine mer, de l’autre côté du bassin, s’étend le quartier de Saint-Servan, vide, spacieux, presque désert et couché tout à son aise dans une grande prairie vaseuse. À l’entrée se dressent les quatre tours du château de Solidor reliées entre elles par des courtines, et noires du haut en bas. Cela seul nous récompensa d’avoir fait ce long circuit sur la grève, en plein soleil de juillet, au milieu de chantiers, parmi les marmites de goudron qui bouil-