Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/293

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pas recevoir de garnison, être exempts d’impôts pendant six ans, etc.

Placé entre la Bretagne et la Normandie, ce petit peuple semble avoir à la fois : de la première, la ténacité, la résistance granitique ; de la seconde, la fougue, l’élan. Marins ou écrivains, voyageurs de tous océans, ce qui les distingue surtout c’est l’audace ; violentes natures d’homme, poétiques à force d’être brutales, souvent étroites aussi à force d’être obstinées. Il y a cette ressemblance entre ces deux fils de Saint-Malo, Lamennais et Broussais, qu’ils furent toujours également extrêmes dans leurs systèmes, et qu’ils ont, avec la même conviction acharnée, employé la seconde partie de leur vie à combattre ce qu’ils avaient soutenu dans la première. Dans l’intérieur de la ville vous passez par de petites rues tortueuses, entre des maisons hautes, le long de sales boutiques de voiliers ou de marchands de morue. Point de voiture, aucun luxe ; c’est noir et puant comme la cale d’un vaisseau. Ça sent Terre-Neuve et la viande salée, l’odeur rance des longs voyages.

« Le guet et ronde s’y fait chaque nuit avec de gros chiens d’Angleterre, dits dogues, lesquels on met au soir hors la ville, avec un maître qui les mène, et ne fait lors bon s’y trouver à l’entour. Mais, venant le matin, on les ramène en certain lieu de la ville où ils déposent toute leur fureur qui, de nuit, est étrangement grande[1] ».

  1. D’Argentré, Hist. de Bretagne, p. 62. (Note du manuscrit de Gustave Flaubert.)