Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/328

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vieilles traditions et des vieilles illusions, en politique il fut constitutionnel et en littérature révolutionnaire. Religieux d’instinct et d’éducation, c’est lui qui, avant tous les autres, avant Byron, a poussé le cri le plus sauvage de l’orgueil, exprimé son plus épouvantable désespoir.

Artiste, il eut cela de commun avec ceux du xviiie siècle qu’il fut comme eux toujours gêné dans des poétiques étroites, mais qui, débordées à tout instant par l’étendue de son génie, en ont malgré lui craqué dans toute leur circonférence. Comme homme, il a partagé la misère de ceux du xixe siècle ; il a eu leurs préoccupations turbulentes, leurs gravités futiles. Non content d’être grand, il a voulu paraître grandiose, et il s’est trouvé pourtant que cette manie vaniteuse n’a pas effacé sa vraie grandeur. Il n’est point certes de la race des contemplateurs qui ne sont pas descendus dans la vie, maîtres au front serein qui n’ont eu ni siècle, ni patrie, ni famille même. Mais lui, on ne le peut séparer des passions de son temps ; elles l’avaient fait et il en a fait plusieurs. L’avenir peut-être ne lui tiendra pas compte de ses entêtements héroïques et ce seront, sans doute, les épisodes de ses livres qui en immortaliseront les titres avec le nom des causes qu’ils défendaient.

Ainsi, tout seul, devisant en moi-même, je restais accoudé, savourant la nuit douce et me trempant avec plaisir dans l’air froid du matin qui rafraîchissait mes paupières. Petit à petit, le jour venait ; la chandelle allongeait sa mèche noire dans