Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/360

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présidents devaient en avoir il y a deux cents ans, conduits par le silencieux Cadiche et par deux gros chevaux bretons, au milieu du sable, entre les vignes dont chaque grappe vaut de l’or, religieux pèlerinage où nous avons fait de nombreuses stations. Hélas ! le vin alourdit dans ces chaudes contrées, il n’enivre pas, mais vous enfle et bouffit, vous fait gonfler la veine, et vous endort ; si bien qu’ayant peu bu j’étais horriblement fatigué et que je fis, dès lors, un serment d’ivrogne que je n’ai pas encore violé, car il y a de cela trois jours. J’approuve fort néanmoins la manière dont nous avons dîné à Léoville, qui a consisté à se repaître d’excellent vin, en l’absence des propriétaires ; délicieuse façon de dîner chez les gens et que tous ceux qui vous invitent chez eux devraient avoir. Je me rappellerai donc longtemps M. Bartou, que je n’ai pas vu, et ses excellents procédés.

De Bordeaux à Bayonne vous passez dans un pays qui est dit les Landes, quoiqu’il soit, sans contredit, bien supérieur au Poitou et à la Guyenne. Vous allez au milieu de pins clairsemés ; çà et là une maison, des attelages de bœufs qui traînent un petit chariot dans lequel est assise une femme couverte d’un large chapeau de paille. À Dax, le bois s’épaissit, et jusqu’à Bayonne la route est charmante. On retrouve plus de fraîcheur et d’herbe ; les petites collines boisées qui se succèdent les unes aux autres annoncent enfin qu’on va voir les montagnes et on les voit enfin se déployer dans