Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/361

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le ciel à grandes masses blanches, qui tout à coup saillissent à l’horizon. Je ne sais quel espoir vous prend alors, l’ennui des plaines blanches du Midi vous quitte, il vous semble que le vent de la montagne va souffler jusqu’à vous, et quand vous entrez dans Bayonne, l’enchantement commence.

Le soleil se couchait quand nous entrâmes dans le quartier des Juifs, hautes maisons, rues serrées, plus d’alignements au moins ! pour être surpris et plus charmé encore quand vous passez î’Adour. Voilà des eaux azurées, et la chute du crépuscule leur donnait une teinte sombre, et néanmoins les barques, les arbres du rivage s’y miraient en tremblant. La voiture roulait au pas sur le pont de bateaux, et une jeune Espagnole, la cruche de grès passée au bras comme les statues antiques, s’avançait vers nous. C’était là un de ces tendres spectacles qui font sourire d’aise et qu’on hume par tous les pores. Jusqu’à présent j’adore Bayonne et voudrais y vivre ; à l’heure qu’il est je suis assis sur ma malle, à écrire ; la fenêtre est ouverte et j’entends chanter dans la cour de l’hôtel.

L’Adour est un beau fleuve qu’il faut voir comme je l’ai vu, quand le soleil couchant assombrit ses flots azurés, que son courant, calme le soir, glisse le long des rives couvertes d’herbes. Aux allées marines où je me promenais hier après la pluie, l’air était doux, on entendait à deux lieues de là le bruit sourd de la mer sur les roches ;