Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/370

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chose aimée ; je lui garde une reconnaissance, tout le temps que j’y ai été, il m’a semblé errer dans une ville antique.

J’aime aussi Irun, où nous avons abordé, en remontant la Bidassoa, le soir vers les 5 heures. La première personne que nous y avons vue est une jeune fille qui voulait venir avec nous en France, et la première chose, c’est l’église dont le curé nous a fait les honneurs avec une grâce toute castillane. Elle porte un caractère du xvie siècle qui sent son Philippe II, dorures sombres à force d’être vieilles, une richesse triste ; les sculptures en bois qui ornent le maître-autel représentant la Passion sont toutes dorées avec une grande profusion, surtout dans les étoffes. Je me rappelle maintenant un morceau de sculpture en bois figurant les limbes et qui se trouve sur le côté gauche : parmi les damnés j’ai remarqué deux têtes tonsurées qui se cachent au spectateur et ne lui montrent que le signe de leur mission oubliée. Évidemment il n’y a eu ici aucune intention personnelle et la leçon est claire, sans être scandaleuse. Il m’eût fallu plus de temps pour étudier les deux églises de Fontarabie et d’Irun. Et, d’ailleurs, que résulte-t-il d’une étude si partielle sinon quelques jalons à conjectures ? Je voudrais savoir, par exemple, si Satan est souvent représenté avec des seins de femme, comme je l’ai vu à Fontarabie, ce que je n’ai point remarqué dans les églises du Nord. On fit un baptême, l’orgue joua un air fanfaron et résonnant, on eût plutôt