Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/375

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pierre battaient sur les feuilles d’acanthe et sur les oiseaux sculptés dans les chapiteaux écornés ; l’enfant qui nous conduisait et le domestique de la maison, étonnés, nous regardaient. Je garderai bon souvenir de Cauterets et de la cordialité de M. Baron, qui nous a menés au lac de Gaube et au Pont d’Espagne. On y va à cheval, ou plutôt on y grimpe sur des rochers éboulés dans le sentier, on gravit en quelques instants à des hauteurs immenses, s’étonnant de la vigueur de son cheval, dont le pied ne glisse pas sur le granit ni sur le marbre et dont le poil, après une journée de fatigue, est aussi sec et aussi dur que les pierres auxquelles il se cramponne. Ce qu’on appelle le Pont d’Espagne est un pont jeté sur le torrent, que l’on traverse environ une heure après la cascade de Cerisey. Alors on entre dans une forêt de sapins, et bientôt vous marchez sur une grande prairie au bout de laquelle se trouve le lac. Sa teinte vert de gris le fait confondre un instant avec l’herbe que vous foulez ; il est uni et calme ; son eau est si calme qu’on dirait une grande glace verte ; au fond se dresse le Vignemale, dont les sommets sont couverts de neige, de sorte que le lac se trouve encaissé dans les montagnes, si ce n’est du côté où vous êtes. Certes, si on y allait seul et qu’on y restât la nuit pour voir la lune se mirer dans ses eaux vertes avec la silhouette des pics neigeux qui le dominent, écoutant le vent casser les troncs de sapins pourris, certes, cela serait plus beau et plus grand ; mais on y va comme on