Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/377

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serait bien doux de mourir ensemble, à côté de ces neiges éternelles, au clair de lune et dans les eaux azurées du lac ?

« M. Thiers. — Ma petite chatte, ne parlons pas politique. »

Un jour Chateaubriand se trouvait au lac de Gaube avec quelques amis, tous mangeant assis sur ce même banc où nous avons déjeuné. On s’extasiait sur la beauté du lac : « J’y vivrais bien toujours », disait Chateaubriand. — « Ah ! vous vous ennuieriez ici à mourir », reprit une dame de la société. — « Qu’est-ce que cela, répartit le poète en riant, je m’ennuie toujours ! » (Rapporté par M. Caron.)

J’ai la prétention de n’être exclusivement ni l’un ni l’autre (c’est pour cela que je n’ai rien écrit sur l’album ni pour les truites ni pour le lac, gardant mes impressions pour moi seul) et moins ridicule donc que tous les poètes qui sont venus au lac de Gaube. Je n’en dirai rien, ni du Marcado non plus, forêt couverte de sapins noirs et où les branches pourries sont tombées en travers de la route. Je fais comme nos chevaux, je saute par là-dessus, ayant bien plus peur qu’eux de m’y casser le cou.

Jusqu’à présent ce que j’ai vu de plus beau, c’est Gavarnie. On part de Luz le matin et on n’y revient que le soir au jour tombant ; la course est longue et dangereuse, on marche peut-être pendant trois lieues au bord d’un précipice de