Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/379

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roulaient quelques petits nuages blancs dont le soleil illuminait les contours. On reste ravi, et l’esprit flotte dans l’air, monte le long des rochers, s’en allant vers le ciel avec la vapeur des cascades.

C’est en côtoyant le pied de la montagne que l’on arrive au pont de neige. À l’entrée, nous trouvâmes enseveli un aigle que sans doute l’avalanche aura pris dans son vol et entraîné avec elle, tombeau de neige qui s’est dressé pour lui dans les hautes régions et qui l’a emporté comme un immense lacet blanc.

On s’avance sous une longue voûte qui suit le cours du gave, dont les parois de neige durcie sont en pointe de diamants. On dirait de l’albâtre oriental humide de rosée ; l’eau découle du plafond sur nos habits ; le gave roule des pierres, et au milieu des ténèbres la blancheur des murs de neige nous éclaire, et l’on marche courbé, se traînant sur les pierres de marbre dans cette demeure des fées. Quand vous revenez au jour, vous revoyez le cirque, ses roches, ses petits sapins et dans le bas son herbe roussie du soleil.

Je suis revenu à Luz au pas et en rêvant de Gavarnie ; j’avais encore le bruit de sa cascade dans l’oreille et je marchais sous le pont de neige. J’ai été accosté franchement par un homme qui m’a demandé du tabac et nous avons causé côte à côte jusqu’à Saint-Sauveur, où nous nous sommes quittés. Il était grand, veste blanche, bas bleus et espadrilles aux pieds, le chapeau noir espagnol et le foulard roulé en bandeau sur la tête ; il montait