Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/396

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une porte moderne, et son autre façade a été bouchée avec du plâtre. Saint-Jean vous offre une enveloppe carlovingienne et un intérieur plein de mauvaises peintures d’auberge. On entre là pensant y rencontrer le moyen âge et on trouve la Restauration.

Ce matin, quand nous sommes allés à Saint-Ferréol, j’ai regardé du haut du parapet le grand bassin ; l’eau était basse et le vent tiraillait sur les cailloux çà et là, comme une loque, une méchante vague. Vous auriez fermé les yeux et vous auriez reconnu que ce n’était pas le bruit d’un lac, mais une vague artificielle tant sa voix était phtisique et grêle. À cette minute je suis encaissé entre deux écluses ; quand le trop-plein arrive, l’eau coule bêtement et fait le long des pierres comme le bruit d’un homme qui pisse dans un pot de chambre. Voilà le soleil qui se couche, et les joncs du bord se mirent dans l’eau et dessinent en avant et en arrière une longue bande d’ombre. Les joncs ici sont taillés au cordeau et égalisés, on les y plante (planter des joncs !) et on en fait une sorte de palissade d’herbe droite pour empêcher d’endommager les propriétés. Comme je ne suis pas propriétaire, j’aimerais autant voir sous l’eau un champ d’herbes inclinées irrégulièrement, en petits clochers verts qu’agiterait maintenant le vent et qui se ploieraient sous le poids des sauterelles qui s’y mirent avec elles.