Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/413

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que tant que l’on ne serait pas maître de la rade, tous les efforts seraient inutiles, et qu’une fois la rade prise Toulon n’offrirait plus aucune défense. L’attaque commença donc sur le point appelé le petit Gibraltar, qui domine toute la mer et la ville elle-même qu’elle protège de ce côté. Tous les détails du siège sont d’ailleurs curieusement relatés dans l’Histoire de la Révolution française dans le département du Var, par M. Lauvergne, un de mes amis, que j’ai fait en voyage, un homme à moitié poète et à moitié médecin, offrant un bon mélange de sentiments et d’idées ; il m’a dit de ses vers, un soir que nous sommes revenus au bord de la rade jusqu’à Toulon ; nous avons déjeuné à une bastide voisine, dans un grand jardin plein d’ombre, où il y avait de hautes cannes de Provence, des avenues fraîches ; on a joué à la balançoire, on a fumé des cigarettes de Havane. Passé une journée à ne rien faire ; c’est toujours une de bonne, une journée tranquille, douce, où l’on a vécu avec des amis, sous un beau ciel, l’estomac plein, le cœur heureux ; elle s’est terminée par un beau crépuscule sur les flots, par une promenade pleine de causerie divaguante, de ces causeries où l’on mêle de tout, et qui tiennent à la fois de la rêverie solitaire au fond des bois et de l’intimité babillarde du coin du feu.

Le lendemain matin nous nous sommes embarqués pour la Corse.