Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/421

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dans le bosquet, j’ouvrais la barrière, j’entendais le bruit du loquet en fer qui retentissait sur le bois. Une vague plus forte me réveillait de tout cela et me rendait à ma situation présente, à ma cuvette aux trois quarts remplie.

D’autres fois je prenais des distractions stupides, comme de regarder toujours le même coin de la chambre, ou de faire couler quelques gouttes de citron sur ma lèvre inférieure que je m’amusais ensuite à souffler sur ma moustache, toutes les misères de la philosophie pour adoucir les maux. Le moment le plus récréatif pour moi a été celui où le roulis devenant plus fort a renversé la table et les chaises qui ont roulé avec un fracas épouvantable et ont éveillé tous les malades hurlant : le vieux curé, qui avait les pieds embarrassés dans les rideaux, a manqué d’être écrasé, et le financier, qui sortait du cabinet, est tombé sur le dos de M. Cloquet de la manière la plus immorale du monde. J’ai ri très haut, d’abord parce que j’en avais envie, et, en second lieu, pour faire un peu plus de bruit et me divertir. Le mouvement que je m’étais donné occasionna encore une purgation, qui fut bien la plus cruelle, et de nouvelles douleurs qui ne me quittèrent réellement qu’à Ajaccio sur le terrain des vaches. Quelques heures après être débarqué, le sol remuait encore et je voyais tous les meubles s’incliner et se redresser.

Nous avons eu un avant-goût de l’hospitalité corse dans le cordial et franc accueil du préfet, qui nous a fait quitter notre hôtel et nous a pris