Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/468

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à Livourne et à Marseille pour y bannir la mélancolie, comme on dit dans les chansons ; ces messieurs profitent ici de l’avilissement du caractère national. Malgré tous ces avantages incontestables pour le consommateur, qu’il y a loin de Bastia à Ajaccio, cette ville si éclairée, si pure de couleur, si ouverte au grand air, où les palmiers poussent sur la place publique et dont la baie vaut, dit-on, celle de Palerme. À Bastia, les rues au contraire sont petites, noires, encombrées de monde ; son port est étroit, malaisé ; la grande place Saint-Laurent ne vaut pas à coup sûr l’esplanade qui est devant la forteresse ni la terrasse du cardinal Fesch, où je me suis promené le dernier soir à Ajaccio.

Le palais est inachevé, la lune entrait par les vitres et se jouait dans les grandes pièces nues ; les escaliers étaient vides et sonores. Du haut de la terrasse j’ai revu la baie avec toutes les côtes qui l’entourent. La lune en face se reflétait dans les flots ; suivant qu’elle montait dans le ciel, son image prenait sous l’eau des formes changeantes, tantôt celle d’un immense candélabre d’argent, tantôt celle d’un serpent dont les anneaux montaient en droite ligne à la surface et dont le corps remuait en ondulant ; les montagnes étaient éclairées, et de l’autre côté, au large, à travers les ombres, la grande immensité azurée apparaissait toute sereine.

Les églises de Bastia n’ont rien qui me plaise, fraîchement peintes, luisantes, ornées dans le goût italien.

Nous avons été voir les prisons pour y trouver