Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/51

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tout chargé de ciselures épaisses, tout alourdi des enjolivements stériles du gothique en décadence, et vilaine à l’extérieur, trop courte à l’intérieur ; la nef est d’un bon jet, mais la voûte assez laide et d’une courbe écrasée. Nous avons remarqué sous le portail, occupant l’entre-colonnement des nervures ogivales, des espèces de fûts de pierres simulant des troncs d’arbres, avec des naissances de branches coupées, comme serait un bâton de houx émondé. Cette particularité se reproduit dans plusieurs églises de la Bretagne. En fait de hideux, et de hideur rare, il faut signaler dans une des chapelles latérales une sorte de lambris plaqué sur les murs, fabriqué dans un chic moyen âge déplorable et atteignant aux dernières limites du rococo imitatif. Mais une chose vraiment belle, c’est le tombeau de François II et de Marguerite de Foix, sa seconde femme. Ils sont tous deux dans leurs beaux costumes du temps, couronne ducale en tête, étendus sur leur marbre, ayant aux pieds, le duc un lion, la duchesse un lévrier ; trois anges soulèvent le coussin où repose leur tête aux yeux fermés ; de grandes figures symboliques se tiennent aux quatre coins du monument. Le visage de la femme est gras, triste, nez relevé et paupières grosses ; celui de François II, assez dur, intelligent et rusé, un peu mêlé de force et de faiblesse comme fut sa vie, révèle bien le vieil ennemi de Louis XI, l’homme habile comme lui à conclure des traités équivoques et à nouer des alliances clandestines. Ils se trompaient à l’envi.