Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/71

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Mais toutes les richesses poétiques sont réunies dans la grotte d’Héloïse, sorte de dolmen naturel sur le bord de la Sèvre.

[1]« Ce que nous éprouvons dans ces lieux, dit M. Richer, auteur d’un voyage dans la Loire-Inférieure, Héloïse l’a éprouvé, elle a senti, admiré, et rêvé comme nous. » Eh bien, je l’avoue, je ne suis pas comme M. Richer ni comme Héloïse, j’ai senti peu de chose, je n’ai admiré que les arbres, trouvant que la grotte qu’ils ombragent serait très congruante pour y déjeuner, l’été, en compagnie de quelques amis et d’Héloïses quelconques, d’autant que la proximité de l’eau permettrait d’y mettre rafraîchir les bouteilles, et je n’ai rien rêvé du tout. Mais il y a des gens heureux, des gens bien doués, sensibles, imaginatifs, qui sont toujours à la hauteur des circonstances, qui ne manquent pas de pleurer à tous les enterrements, de rire à toutes les noces, et d’avoir des souvenirs devant toutes les tuiles cassées et toutes les bicoques non construites à la mode du jour. Ceux-là vous disent que la vue de la mer leur inspire de grandes pensées et que la contemplation d’une forêt élève leur âme vers Dieu. Ils sont tristes en regardant la lune, et gais en regardant la foule. « Ce nom consacré, continue M. Richer, c’était lui seul que cette grotte devait offrir. L’inscription qu’on y lit est peut-être inutile, car le sentiment est toujours plus prompt que la parole. » Quoique

  1. Inédit, pages 71 à 73.