Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/76

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sur elle, elle s’enfle de dessous, monte sur lui, le gagne, et pendant que le ciel lui rogne la tête elle lui enfouit les pieds. La cour est déserte, l’enceinte est vide, les herses ne remuent pas, l’eau dormante des fossés reste plate et immobile sous les ronds nénufars.

Le ciel était blanc, sans nuages, mais sans soleil. Sa courbe pâle s’étendait au large, couvrait la campagne d’une monotonie froide et dolente. On n’entendait aucun bruit, il faisait silence, les oiseaux ne chantaient pas, l’horizon même n’avait point de murmure, et les sillons vides — c’était un dimanche — ne vous envoyaient ni les glapissements des corneilles qui s’envolent, ni le bruit doux du fer des charrues. Nous sommes descendus à travers les ronces dans une douve profonde, cachée au pied d’une tour qui se baigne dans l’eau et dans les roseaux. Une seule fenêtre s’ouvre, un carré d’ombre coupé par la raie grise de son croisillon de pierre. Une touffe folâtre de chèvrefeuille sauvage s’est pendue sur le rebord et passe en dehors sa bouffée verte et parfumée. Les grands mâchicoulis, quand on lève la tête, laissent voir d’en bas, par leurs ouvertures béantes, le ciel seulement ou quelque petite fleur inconnue qui s’est nichée là, apportée par le vent, un jour d’orage, et dont la graine aura poussé à l’abri, dans la fente des pierres.

Tout à coup un souffle de vent est venu, doux et long, comme un soupir qui s’exhale, et les arbres dans les fossés, les herbes sur les pierres,