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THÉÂTRE.

de leur invention, lequel imite parfaitement bien les mouvements de la nature.

Une fée, riant.

En vérité, on s’y trompe !

La reine.

Et les pauvres humains se laissent faire sans répugnance. Quelques-uns même y trouvent du plaisir. Petit à petit, et par l’effet d’un accord mutuel, pendant que le cœur sort du dedans, les génies du mal le tirent du dehors ; et c’est ainsi que leur race entière, ou presque entière, est vide de bons sentiments et de pensées généreuses.

Une fée.

Et tu veux que nous vainquions les Gnomes ?

La reine.

Oui, recommencez la lutte. Un ordre supérieur a partagé entre eux et vous l’empire du monde. Nous les avons vaincus autrefois ; mais, depuis mille ans, ils triomphent. Les hommes, tyrannisés par eux, s’abandonnent aux exigences de la matière. L’esprit des Gnomes a passé dans la moelle de leurs os ; il les enveloppe, les empêche de nous reconnaître et leur cache comme un brouillard la splendeur de la vérité, le soleil de l’idéal.

Les fées.

Eh ! tant pis, les Gnomes ne peuvent rien contre nous.

La reine.

Mais à mesure qu’ils étendent leur pouvoir, le vôtre se rétrécit. On repousse vos consolations, on se moque de nos espoirs, on nie même notre existence, et quand ils auront conquis toute la terre, ils convoiteront des