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NOTES.

Louis Bouilhet et de Charles d’Osmoy. Nous citons, à ce sujet, la lettre que lui adressa Bouilhet le 19 juin 1863 :

« Tu parais choqué du féerique, heurtant à chaque pas le réel. C’est, quant à moi, la seule chose qui me charme dans ce travail. Tu veux faire une comédie humaine, et le supernaturel éloigné, séparé, abstrait. Non, je ne vois pas la chose comme cela. J’aimerais mieux alors faire simplement une comédie d’intrigue, sans aucune fée. Mais du moment que tu les admets, il faut, comme Hoffmann dans le Pot d’or, les mêler à chaque acte de la vie, à chaque minute de l’existence… Saïs-tu ce que tu t’exposes à faire avec ton fantastique d’un côté et ton réel de l’autre ? Ce que tu étais sur le point de commettre pour le discours des comices, dans Madame Bovary. Ce n’est qu’en mêlant le comique au sérieux que tu es arrivé à faire une scène légitime, et amusante, surtout… »

Après la mort de ses collaborateurs, Flaubert remania sa féerie, travailla avec le ferme espoir de la faire représenter, et fit auprès des directeurs de théâtre de nombreuses et infructueuses démarches. Découragé, il remit son manuscrit à l’éditeur Charpentier, qui le publia dans la Vie Moderne.

« Peut-être que le Château des Cœurs paraîtra au jour de l’an, avec des illustrations, puisqu’il m’est impossible de lui donner des décors. Cela est un de mes chagrins littéraires (est-ce un chagrin ?) de ne pas voir sur les planches le tableau du cabaret et celui du pot-au-feu. » (Correspondance, IV, p. 375.)




LE SEXE FAIBLE.


Louis Bouilhet venait de mourir ; pieusement Flaubert s’attacha à sa mémoire. Il fit publier la Bonne Chanson, à l’occasion de laquelle il écrivit, sur l’œuvre de son ami, une longue étude d’ensemble. (Voir Correspondance, appendice.) Il demanda au conseil municipal de Rouen un emplacement pour l’érection d’un monument au poète de Melaenis, puis recueillant ses manuscrits, ses ébauches, il trouva, abandonnée, inachevée, une comédie en prose : le Sexe faible. « Je vais voir s’il n’y a pas moyen de recaler une comédie de lui, en prose. » (Voir Correspondance, IV, p. 24[1].)

Flaubert s’acharna à rendre jouable cette comédie ; il la récrivit entièrement. « Je bâche et surbûche le Sexe faible. En huit jours,

  1. [Note Wikisource] : les renvois à la Correspondance portent sur la première édition de celle-ci (1887-1906).