Page:Flaubert - Théâtre éd. Conard.djvu/95

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Madame Rousselin.

Au lieu de fuir le monde, allez vers lui ! Son langage n’est pas le vôtre, apprenez-le ! Soumettez-vous à ses exigences. La réputation et le pouvoir se gagnent par le contact ; et, puisque la société est naturellement à l’état de guerre, rangez-vous dans le bataillon des forts, du côté des riches, des heureux ! Quant à vos pensées intimes, n’en dites jamais rien, par dignité et par prudence. Dans quelque temps, lorsque vous habiterez Paris, comme nous…

Julien.

Mais je n’ai pas le moyen d’y vivre, Madame !

Madame Rousselin.

Qui sait ? avec la souplesse de votre talent, rien n’est difficile ; et vous l’utiliserez pour des personnes qui en marqueront leur gratitude ! Mais il est tard ; au plaisir de vous revoir, monsieur !

Elle remonte.
Julien.

Oh ! restez ! au nom du ciel, je vous en conjure ! Voilà si longtemps que je l’espère cette occasion. Je cherchais des ruses, inutilement, pour arriver jusqu’à vous ! D’ailleurs, je n’ai pas bien compris vos dernières paroles. Vous attendez quelque chose de moi, il me semble ? Est-ce un ordre ? Dites-le ! j’obéirai.

Madame Rousselin.

Quel dévouement !

Julien.

Mais vous occupez ma vie ! Quand, pour respirer plus à l’aise, je monte sur la colline, malgré moi, tout de suite, mes yeux découvrent parmi les autres votre