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XVii
sur la fable.

nitions et des règles, tout le monde n’en sait pas moins par cœur l’admirable fable des deux Pigeons, tout le monde n’en répète pas moins ces vers du Lion amoureux :

Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire adieu prudence ;

et personne ne se soucie de savoir qu’on peut démontrer rigoureusement que ces deux fables sont contre les règles. « Vous exigerez peut-être de moi, en me voyant critiquer avec tant de sévérité les définitions, les préceptes donnés sur la fable, que j’en indique de meilleurs ; mais je m’en garderai bien, car je suis convaincu que ce genre ne peut être défini et ne peut avoir de préceptes. Boileau n’en a rien dit dans son Art poétique, et c’est peut-être parce qu’il avait senti qu’il ne pouvait le soumettre à ses lois. Ce Boileau, qui assurément était poète, avait fait la fable de la Mort et le Malheureux en concurrence avec La Fontaine. J.-B. Rousseau, qui était poëte aussi, traita le même sujet. Lisez dans monsieur d’Alembert[1] ces deux apologues comparés avec celui de La Fontaine ; vous trouverez la même morale, la même image, la même marche, presque les mêmes expressions ; cependant les deux fables de Boileau et de Rousseau sont au moins très médiocres, et celle de La Fontaine est un chef-d’œuvre. « La raison de cette différence nous est parfaitement développée dans un excellent morceau sur la fable, de M. Marmontel[2]. Il n’y donne pas les moyens d’écrire de bonnes fables, car ils ne peuvent pas se donner ; il n’expose point les principes, les règles qu’il faut observer, car je répète que dans ce genre il n’y en a point ; mais il est le premier, ce me semble, qui nous ait expliqué pourquoi l’on trouve un si grand

  1. Histoire des membres de l’Académie Française, t. III.
  2. Éléments de littérature, t. iii.