Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/31

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n’est que pour ne point quitter la Terre.

Je vous entends, répondit-elle, et j’aime la Lune, de nous être restée lorsque toutes les autres planètes nous abandonnent. Avouez que si votre Allemand eût pu nous la faire perdre, il l’auroit fait volontiers ; car je vois dans tout son procédé qu’il étoit bien mal intentionné pour la Terre. Je lui sais bon gré, répliquai-je, d’avoir rabattu la vanité des hommes, qui s’étoient mis à la plus belle place de l’univers, et j’ai du plaisir à voir présentement la Terre dans la foule des planètes. Bon ! répondit-elle, croyez-vous que la vanité des hommes s’étende jusqu’à l’astronomie ? Croyez-vous m’avoir humiliée, pour m’avoir appris que la Terre tourne autour du Soleil ? Je vous jure que je ne m’en estime pas moins. Mon Dieu, Madame, repris-je, je sais bien qu’on sera moins jaloux du rang qu’on tient dans l’univers, que de celui qu’on croit devoir tenir dans une chambre, et que la préséance de deux planètes ne sera jamais une si grande affaire, que celle de deux ambassadeurs. Cependant la même inclination qui fait qu’on veut avoir la place la plus honorable dans une cérémonie, fait qu’un philosophe dans un système se met au centre du monde, s’il peut. Il est bien aise que tout soit fait pour lui ; il suppose peut-être sans s’en appercevoir ce principe qui le