Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/48

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voyons de trop près, elle ne nous paraît qu’une grosse masse, propre seulement à fournir de la pâture aux animaux, et nous ne nous apercevons pas qu’elle est lumineuse, faute de nous pouvoir mettre à quelque distance d’elle. Il en iroit donc de la même manière, dit la Marquise, que lorsque nous sommes frappés de l’éclat des conditions levées au-dessus des nôtres, et que nous ne voyons pas, qu’au fond elles se ressemblent toutes extrêmement.

C’est la même chose, répondis-je. Nous voulons juger de tout, et nous sommes toujours dans un mauvais point de vue. Nous voulons juger de nous, nous en sommes trop près ; nous voulons juger des autres, nous en sommes trop loin. Qui seroit entre la lune et la terre, ce seroit la vraie place pour les bien voir. Il faudroit être simplement spectateur du monde, et non pas habitant. Je ne me consolerai jamais, dit-elle, de l’injustice que nous faisons à la terre, et de la préoccupation trop favorable où nous sommes pour la lune, si vous ne m’assurez que les gens de la lune ne connoissent pas mieux leurs avantages que nous les nôtres, et qu’ils prennent notre terre pour un astre, sans savoir que leur habitation en est un aussi. Pour cela, repris-je, je vous le garantis. Nous leur paraissons faire assez régulièrement nos fonctions d’astre.