Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/79

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l’est ici. Mettons, si vous voulez, un ciel rouge et des étoiles vertes, l’effet n’est pas si agréable que des étoiles couleur d’or sur du bleu. On diroit à vous entendre, repris-je, que vous assortiriez un habit ou un meuble ; mais, croyez-moi, la nature a bien de l’esprit ; laissez-lui le soin d’inventer un assortiment de couleurs pour la lune, et je vous garantis qu’il sera bien entendu. Elle n’aura pas manqué de varier le spectacle de l’univers à chaque point de vue différent, et de le varier d’une manière toujours agréable.

Je reconnois son adresse, interrompit la Marquise, elle s’est épargné la peine de changer les objets pour chaque point de vue, elle n’a changé que les lunettes, et elle a l’honneur de cette grande diversité, sans en avoir fait la dépense. Avec un air bleu, elle nous donne un ciel bleu, et peut-être avec un air rouge, elle donne un ciel rouge aux habitants de la Lune, c’est pourtant toujours le même ciel. Il me paraît qu’elle nous a mis dans l’imagination certaines lunettes, au travers desquelles on voit tout, et qui changent fort les objets à l’égard de chaque homme. Alexandre voyoit la Terre comme une belle place bien propre à y établir un grand empire. Céladon ne la voyoit que comme le séjour d’Astrée. Un philosophe