Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/80

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la voit comme une grosse planète qui va par les cieux, toute couverte de foux. Je ne crois pas que le spectacle change plus de la terre à la lune, qu’il fait ici d’imagination à imagination.

Le changement de spectacle est plus surprenant dans nos imaginations, répliquai-je, car ce ne sont que les mêmes objets qu’on voit si différemment ; du moins dans la lune on peut voir d’autres objets, ou ne pas voir quelques-uns de ceux qu’on voit ici. Peut-être ne connoissent-ils point en ce pays-là l’aurore ni les crépuscules. L’air qui nous environne, et qui est élevé au-dessus de nous, reçoit des rayons qui ne pourroient pas tomber sur la terre ; et parce qu’il est fort grossier, il en arrête une partie, et nous les renvoie, quoiqu’ils ne nous fussent pas naturellement destinés. Ainsi l’aurore et les crépuscules sont une grâce que la nature nous fait ; c’est une lumière que régulièrement nous ne devrions point avoir, et qu’elle nous donne par-dessus ce qui nous est dû. Mais dans la lune, où apparemment l’air est plus pur, il pourroit bien n’être pas si propre à renvoyer en bas les rayons qu’il reçoit avant que le soleil se lève, ou après qu’il est couché. Les pauvres habitants n’ont donc point cette lumière de faveur, qui en se fortifiant peu à peu, les prépareroit agréablement à l’arrivée