Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes.djvu/83

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de-là. Il n’oublia pas la fiole de Roland, qui étoit le sujet du voyage. Il eut assez de peine à la porter ; car l’esprit de ce héros étoit de sa nature assez pesant, & il n’y en manquoit pas une seule goutte. Ensuite, l’Arioste, selon sa louable coutume de dire tout ce qu’il lui plaît, apostrophe sa maîtresse, & lui dit en de fort beaux vers : Qui montera aux Cieux ma Belle, pour en rapporter l’Esprit que vos charmes m’ont fait perdre ? Je ne me plaindrois pas de cette perte-là, pourvu qu’elle n’allât pas plus loin ; mais s’il faut que la chose continue comme elle a commencé, je n’ai qu’à m’attendre à devenir tel que j’ai décrit Roland. Je ne crois pourtant pas que pour ravoir mon Esprit, il soit besoin que j’aille par les Airs, jusque dans la Lune ; mon Esprit ne loge pas si haut ; il va errant sur vos yeux, sur votre bouche, & si vous voulez bien que je m’en ressaisisse, permettez que je le recueille avec mes lèvres. Cela