Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




CHAPITRE V

conclusion


I

opinions de nietzsche sur sa propre originalité.


Ce que Heine disait de Schiller, on pourrait encore mieux l’appliquer à Nietzsche : chez lui, « la pensée célèbre ses orgies ; des idées abstraites, couronnées de pampres, brandissent le thyrse et dansent comme des bacchantes ; ce sont des réflexions ivres ».

Nietzsche a un essor lyrique et une exubérance d’imagination qui laissent Schiller bien loin derrière lui. Il est fâcheux qu’il ait poussé le sentiment de sa valeur jusqu’à l’admiration à la fois aiguë et chronique de soi. Il ne parle jamais de ses œuvres que comme de révélations plus que prophétiques, en même temps que de chefs-d’œuvre poétiques ou littéraires. « L’aphorisme, la sentence, ou le premier je suis passé maître parmi les Allemands, sont les formes de l’éternité ; mon orgueil est de dire en dix phrases ce que tout autre dit en un volume, — ce qu’un autre ne dit pas en un volume. J’ai donné à l’Humanité le livre le plus profond qu’elle possède, mon Zarathoustra ; je lui donnerai sous peu son livre le plus indépendant)[1]». Il s’agit de la Volonté de puissance (dont l’Antéchrist faisait partie)[2].

  1. Crépuscule des idoles, § 51, Tr. fr., p. 226.
  2. L’Antéchrist (§ 54).