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BALZAC (Honoré de)



L’auteur de la Comédie humaine ne fut poète que par hasard, et ses vers sont plutôt une curiosité que des modèles. Nous n’avons pas moins pense que, puisqu’il en avait fait, il était bon d’en mettre quelques-uns dans ce recueil. On y trouvera ainsi un illustre nom de plus.

C’est par des œuvres en vers que Balzac, arrivant de Tour ; sa ville natale, à Paris, avait d’ailleurs voulu commencer. Le poète tragique s’éveilla en lui avant le romancier. Inconscient de lui-même, ne se doutant guère encore des romans si profondément humains et vivants qu’il devait produire, et dont nous n’avons pas à dresser ici la liste, il chercha sa première voie dans l’histoire traduite en tragédie.

Cromwell fut son premier héros. Il dépensa, pour le mettre en scène, toutes les vaillances d’une pensée qui veut, mais par malheur aussi toutes les maladresses d’une plume qui ne peut pas. Il avait l’idée ; la forme lui manquait : il y était d’une impuissance absolue. C’est ce qui certainement, sauf en de rares circonstances, le dégoûta pour jamais de la rime : « les idées m’accablent, écrivait-il à sa sœur pendant qu’il travaillait à ce Cromwell, mais je suis sans cesse arrêté par mon peu de génie pour la versification. »

La tragédie faite, on réunit pour l’entendre toute la famille, à laquelle s’était joint un vieux professeur de littérature à l’École polytechnique, dont voici quel fut l’arrêt : « L’auteur doit faire quoi que ce soit, excepté de la littérature. »

Balzac heureusement ne se le tint pour dit qu’en ce qui concernait le tragique. Il essaya d’abord toutefois de suivre complètement le conseil, de faire autre chose que de la littérature. En 1826, à vingt-sept ans, il acheta un fonds d’imprimerie au no 17 de la rue des Marais-Saint-Germain, aujourd’hui rue Visconti.

Parmi les ouvrages qu’il y mit sous presse, se trouvait un recueil annuel, assez nomade et intermittent, qu’on appelait les Annales romantiques, et dans lequel tous les poètes de la nouvelle école donnaient rendez-vous à leurs vers. Devant ce