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Nul ne faiblit ; plié sous les fardeaux trop lourds,
Dans l’eau jusqu’à mi-jambe, on avance toujours.
Une rivière est là de banquises couverte :
Vite, canots à flot, la rame aux poings, alerte !
Quelquefois il leur faut descendre en pagayant
Quelque effrayant rapide au remous tournoyant ;
Nul ne recule ! Un jour, dans un torrent qui gronde,
D’Iberville lui-même est englouti sous l’onde ;
Un miracle l’arrache à la mort. En retour,
Deux braves qu’il aimait, emportés à leur tour
Par le choc d’une vague au fond du gouffre traître,
S’enfoncent sous les flots pour ne plus reparaître.
 
La nuit, il faut camper le plus souvent sans feu,
Et puis recommencer la corvée, au milieu
De fatigues sans nom, jusqu’à la nuit suivante.
Et qu’il pleuve ou qu’il gèle, et qu’il grêle ou qu’il vente,
À travers le désert tragique, ces Titans,
Sordides, harassés, trempés et grelottants,
Mais que le dévoûment patriotique enflamme,
L’enthousiasme au cœur, le délire dans l’âme,
Pour atteindre leur but marchent sans sourciller !