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GUIDE DU BON SENS

vouloir, en dépit qu’elle en ait, ouvrir cette porte, ― ce qui n’avait pas de bon sens…

Mais est-ce avoir du bon sens, sinon de tuer toutes ses épouses successives, du moins de garder leurs cadavres derrière la fragile protection d’une serrure, au lieu de les faire soigneusement disparaître, par exemple, en les brûlant, ou de les expédier au loin dans une malle ?…

S’il ne s’agissait pas d’un conte de fées, mais d’une aventure réelle, trop réelle, on verrait la femme de Barbe-Bleue obtenir que son mari lui ouvrît lui-même la porte du cabinet tragique, après lui avoir juré ses grands dieux qu’elle ne l’en aimerait que davantage, et lui avoir, bien entendu, promis de ne point trahir son atroce et redoutable secret — quitte à envoyer une lettre anonyme aussitôt après et à livrer ce dangereux mari à la maréchaussée…

Tuer sa femme, ouvrir la porte défendue, la question est toujours et d’abord de savoir si le jeu en vaut la chandelle ; et c’est au bon sens de trancher la question. C’est le bon sens qui apprécie l’attrait du jeu, et la valeur de la chandelle.

Mais la chandelle se pèse, et elle a son prix courant ; tandis que l’attrait du jeu varie suivant le tempérament des joueurs, de ceux qui jouent et de ceux avec qui l’on joue ; il y entre des éléments qui ne sauraient être fixés une