Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/26

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instruire par ses paroles, et à nous porter vers le bien par l’exemple de son dévouement : l’homme peut s’attacher à cette grâce au moyen de la raison et sans secours étranger.

Cet exposé rapide de la doctrine d’Abailard, rapproché du récit de sa vie, peut donner une idée de la trempe de son esprit et du rôle qu’il a joué. La pénétration, l’énergie, une hardiesse toujours aventureuse, étaient chez lui les qualités dominantes : elles s’unissaient, comme il arrive ordinairement, à une confiance démesurée dans ses propres forces et au mépris de ses adversaires ; il possédait à un moindre degré, l’élévation, la profondeur et même l’étendue, quoiqu’il ait embrassé un grand nombre de sujets. Consommé dans la dialectique, nul ne saisissait mieux les différentes faces d’une même question ; nul ne les présentait avec plus d’art et de clarté ; peut-être eût-il moins réussi à réunir plusieurs idées sous une formule systématique. Il était naturellement enclin à vouloir s’entendre avec lui-même, à chercher, à examiner, et, de bonne heure, il fortifia ce penchant par l’habitude. Il s’occupa dans sa jeunesse de la question des universaux qui partageait les esprits ; arrivé à l’âge mûr, de l’explication des mystères ; et son double rôle consista à fonder en philosophie une école nouvelle, à donner en théologie un des premiers exemples de cette application périlleuse de la dialectique au dogme chrétien, « qui est la scolastique même avec sa grandeur et ses défauts. » À quelque point de vue qu’on se place pour le juger, on ne saurait méconnaître l’impulsion qu’il a donnée à l’esprit humain, et la philosophie le comptera toujours parmi ses promoteurs les plus habiles et les plus courageux.

Une première édition des œuvres d’Abailard parut à Paris en 1614, in 4, sous le titre suivant : Petri Abœlardi et Heloissœ conjugis ejus opera, nunc primum edita ex Mss. Codd. Francisci Amboessi. Elle est précédée d’une apologie d’Abailard et comprend entre autres ouvrages, ses lettres, ses sermons, trois expositions sur l’Oraison dominicale, le Symbole des Apôtres et celui de saint Athanase, un Commentaire sur les Épîtres de saint Paul, et l’Introduction à la Théologie. André Duchesne, à qui l’édition est attribuée dans quelques exemplaires, y a joint des notes sur le récit des malheurs d’Abailard (Historia calamitatum) adressé par Abailard même à un ami, et qui est comme une confession de sa vie. L’Introduction à la Théologie a été réimprimée par Martenne, au tome III du Thésaurus anecdotorum, avec deux ouvrages inédits ; savoir, un Commentaire sur la Genèse, intitule Hexameron, et un traité de la theologie chrétienne, ou quelques-unes des opinions exposées dans l’Introduction sont adoucies. Quelques années après, Bernard Pèze inséra dans son Thésaurus anecdotorum novissimus, t. III, un nouveau traité inédit d’Abailard, qui, sous le titre Scito teipsum, embrasse les principales questions de la morale. Enfin, en 1831, M. Reinwald a retrouvé à Berlin et publié un dialogue entre un philosophe, un mil et un chrétien, Dialogus inter judœum, philosophum et christianum, indiqué par l’Histoire littéraire (t XII, p 132). Toutes ces publications contribuaient a faire connaître dans Abailard l’homme et le théologien, mais le philosophe et son système métaphysique et dialectique continuaient de demeurer ignorés. C’est à M. Cousin qu’on doit d’avoir tire le premier de la poussière des bibliothèques les écrits philosophiques de celui qui fut le premier des dialecticiens du xii, et un des fondateurs de la scolastique ; il les a réunis sous le titre suivant : Ouvrages inédits d’Abelard, pour servir à l’histoire de la philosophie scolastique en France, Paris, Imprimerie royale, 1836, 1 vol. in-4. Ce volume comprend une Introduction, le Sic et non, la Dialectique, un Fragment sur les genres et les espèces, les Gloses sur Porphyre, sur les catégories, sur le livre de l’interprétation, sur les topiques de Botce, et un Appendice. Quelques années après, M. Cousin a publié, avec le concours de MM Jourdain et Despois, une nouvelle édition des autres ouvrages d’Abailard : Petri Abælardi Opéra, Pansus, 18o9, 2 vol. in-4. Ces deux volumes renferment les Lettres d’Abailard et d’Héloïse, les Problèmes d’Heloise, les Poésies, les Sermons, l’Introduction à la Théologie, la Théologie chrétienne, l’Éthique, le Dialogue entre un philosophe, un juif, et un chrétien, les Gloses sur Porphyre, quelques autres opuscules, et un Appendice. M. Cousin a pu se convaincre qu’Abailard n’avait point écrit sur la Physique d’Aristote et sur le Traité de la génération et de la corruption [Fragm de philos, scolastique, p 448 et suiv.), comme une indication fautive de l’Histoire littéraire (t. XII, p 130) pouvait le faire présumer. L’Introduction aux Ouvrages inédits d’Abelard a été publiée dans les Fragmenlts de philosophie du moyen âge, par M. V. Cousin En 1720, D. Gecvaise, abbé aela Trappe, mit au jour une Vie d’AbaiIard, et trois ans plus tard une traduction française de ses Lettres à Heloise, 2 vol. in-12, Paris, avec le texte en regard, cette traduction a été souvent réimprimée, les éditions les plus estimées sont celles de 1782, avec des corrections de Bastien, et de 1796, 3 vol. in-4, avec une Vie d’AbaiIard de M Delaulnaye. Deux traductions nouvelles ont été publiées en 1823 à Paris, 2 vol in-8, par M. de Longchamps, avec des notes historiques de M. Henu de Puyberland, et 1840, Paris, 2 vol grand in-8, par M Oddoul, celle-ci est précédée d’un Essai historique par Mme Guizot. On peut encore consulter, sans parler de l’Histoire littéraire, The History of the lives of Abailard and Heloisa with their original letters, by Benngton, Birmingham, 1787, et Baie, 1796; Abailard et Dulcin. Vie et opinions d’un enthousiaste et d’vun philosophe, par Fr.Chr. Schlosser, in-8, Gotha, 1807 (en ail.), Abelard et Heloise, avec un aperçu du xiie siècle, par C.-F. Turlot, in-8, Paris, 1822 ; Histoire de France de M. Michelet, t. II : Histoire de S. Bernard et de son siècle, par Neander, trad. en franc, par Vial, Paris, 1842; Abelard, par M. Ch. de Rémusat, 2 vol. in-8, Paris, 1845 ; Abelard, par C. Levêque, dans le Journal des Savants, 1862-63

C. J.


ABARIS, personnage presque fabuleux qui passe pour avoir été disciple de Pythagore ; on ne connaît rien de ses opinions ni de ses écrits philosophiques. Voy. Porphyre, Vie de Pythagore ; Plutarque, Quomodo poetæ audiri debeant, Tournier, de Aristea Proconnesio, in-8, Paris, 1863.

X.


ABBT (Thomas), un des plus élégants écrivains et des penseurs les plus distingués de l’Allemagne, pendant le dernier siècle Né à Ulm, à la hn de 1738, il se signala, tout jeune encore, par son amour et son aptitude pour les études sérieuses. Il suivit les cours de l’université de Halle, ou il commença à se consacrer à la théologie. Mais il ne tarda pas à quitter cette science pour la philosophie et les mathématiques. Il fut nommé successivement professeur extraordinaire (professeur suppléant) de philosophie à l’université de Francfort-sur-l’Oder et professeur de mathématiques à Rinteln. Dégoûté à la fois du séjour de cette ville et des fonctions de l’enseignement, il étudia le droit, puis se mit à voyager dans le sud de l’Allemagne, en ïrance, et en