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ACTU
ADEQ
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C’est la qualification que l’on donne a certaines doctrines non écrites, mais transmises oralement à un petit nombre d’élus, parce qu’on les juge inaccessibles ou dangereuses pour la foule. Dans le dernier cas, acroamatique devient synonyme d’ésotérique (voy. ce mot). Quelquefois même on étend cette qualification à des doctrines écrites, quand elles portent sur les points les plus ardus de la science, et qu’elles sont rédigées dans un langage en rapport avec le sujet. C’est ainsi que tous les ouvrages d’Aristote ont été divisés en deux classes : les uns, par leur forme aussi bien que par les questions dont ils traitent, paraissent destinés à un grand nombre de lecteurs ; on leur donnait le nom d’exotériques (εξωτερικούς) ; les autres semblaient réservés à quelques disciples choisis : ce sont les livres acroamatiques (άκροματιχος ou εγκυκλίους). Quant à savoir quels sont ces livres et si nous les avons entre les mains, c’est une question qui ne peut être résolue ici. Voy. dans le tome I des Œuvres d’Aristote par Buhle, 5 vol. in-8, Deux-Ponts, 1791, une dissertation intitulée : Commentatio de libris Aristotelis acroamaticis et exotericis. — Voy. Aristote.


ACRON d’Agrigente ne se rattache à l’histoire de la philosophie que parce qu’il fut le fondateur de l’école de médecine surnommée empirique ou méthodique ; cette école fleurit surtout pendant les deux premiers siècles après J. C., et arbora, en philosophie, le drapeau du scepticisme ; elle a produit un grand nombre de philosophes sceptiques, tels que Ménodote, Saturnin, Théodas, etc. ; le plus distingué d’entre eux tous fut, sans contredit, Sextus Empiricus. Voy. Sextus.


ACTE. La signification vulgaire de ce mot n’a pas besoin d’être définie ; mais il est employé par Aristote avec un sens spécial et rigoureux qu’il importe de préciser.

Nous voyons les objets passer d’un contraire à l’autre, du chaud au froid ; mais ce n’est pas le contraire qui devient son contraire, le chaud qui devient froid. Il y a nécessairement quelque chose en quoi le changement s’opère ; nécessairement aussi ce quelque chose avait les deux contraires en puissance et était indifférent à l’un et à l’autre. Ce quelque chose c’est la matière qui ne se distingue pas de la puissance. Mais pouvoir, ce n’est pas agir ; être en puissance froid ou chaud, ce n’est pas être froid ou chaud. Pour être froid ou chaud, la puissance a besoin d’être réalisée, et lorsqu’elle est réalisée le froid ou le chaud est, non plus en puissance, mais en acte ; de sorte que l’acte et la puissance s’excluent mutuellement. Lorsqu’une chose est en puissance, elle n’est pas en acte ; lorsqu’elle est en acte, elle n’est plus en puissance. L’acte n’est cependant pas la réalisation de la puissance, mais la fin de la puissance qui se réalisé. La réalisation de la puissance est le passage de la puissance à l’acte, ce qu’Aristote appelle le mouvement.

Voy. Aristote, Actuel. A. L.


ACTIVITÉ. Voy. Volonté.


ACTUEL (quod est in actu) est un terme emprunté de la philosophie scolastique, qui elle-même n’a fait que traduire littéralement cette expression d’Aristote : τό όν κατ’ένεργείαν. Or, dans la pensée du philosophe grec, assez fidèlement conservée sur ce point par ses disciples du moyen âge, l’actuel c’est ce qui a cessé d’être simplement possible pour exister en réalité et à l’état de fait ; c’est aussi l’état d’une faculté ou d’une force quelconque quand elle est entrée en exercice. Ainsi, ma volonté, quoique très-réelle comme faculté, ne commence à avoir une existence actuelle qu’au moment où je veux telle ou elle chose. Actuel dit, par conséquent, plus que réel. De la langue philosophique, qui aurait tort de l’abandonner, ce terme a passé dans le langage vulgaire, où il signifie ce qui est présent ; sans doute parce que rien n’est présent pour nous que ce qui est révélé par un acte ou par un fait. Voy. Aristote.


ADAM du Petit-Pont, né en Angleterre au commencement du xiie siècle, étudia à Paris sous Matthieu d’Angers et Pierre Lombard, et y tint une école près du Petit-Pont, comme l’indique son surnom, jusqu’en 1176 ; où il fut nommé évêque d’Asaph, dans le comte de Glocester. Il mourut en 1180. Jean de Salisbury vante l’étendue de ses connaissances, la sagacité de son esprit, et son attachement pour Aristote ; mais on lui reprochait beaucoup d’obscurité. Il disait qu’il n’aurait pas un auditeur, s’il exposait la dialectique avec la simplicité d’idées et la clarté d’expressions qui conviendraient à cette science. Aussi était-il tombé volontairement dans le défaut de ceux qui semblent vouloir, par la confusion des noms et des mots, et par des subtilités embrouillées, troubler l’esprit des autres et se réserver à eux seuls l’intelligence d’Aristote (Jean Salisbury, Metalogicus, lib. II, c. x ; lib. III, c. iii ; lib. IV, c. ni). On ne connaît d’Adam qu’un opuscule incomplet, intitulé Ars disserendi, dont M. Cousin a publié quelques extraits dans ses Fragments de philosophie scolastique. Voy. aussi Histoire littéraire de France, t. XIV, Paris, 1840, p. 417 et suiv. C. J.


ADÉLARD, de Bath, vivait dans les premières années du xiie siècle. Poussé, comme lui-même nous l’apprend, par le désir de s’instruire, il visita la France, l’Italie, l’Asie Mineure ; et, de retour dans sa patrie, sous le règne de Henri, fils de Guillaume, consacra ses loisirs à propager parmi ses contemporains les vastes connaissances qu’il avait acquises. Son nom est naturellement associé à ceux de Gerbert, de Constantin le Moine, à ces laborieux compilateurs qui introduisirent en Europe la philosophie arabe. On lui doit des Questions naturelles, imprimées sans date à la fin du xive siècle ; un dialogue encore inédit, intitulé de Eodem et Diverso, qui, sous la forme d’une fiction ingénieuse, renferme une éloquente apologie des études scientifiques, une Doctrine de l’Abaque, une version latine des Éléments d’Euclide, et plusieurs autres traductions faites de l’arabe. Il est fréquemment cité par Vincent de Beauvais, sous le titre de Philosophus Anglorum. M. Jourdain, dans ses Recherches sur l’origine des traductions d’Aristote (in-8, Paris, 1819), a donné une analyse étendue du de Eodem et Diverso. X.


ADELGER (appelé aussi ADELHER), philosophe scolastique et théologien du xiie siècle, chanoine à Liége, puis moine de Cluny. Il s’est fait remarquer uniquement par sa manière d’expliquer la prescience divine, en la conciliant avec la liberté humaine. Selon lui, le passé et l’avenir n’existent pas devant Dieu, qui prévoit nos actions comme nous voyons celles de nos semblables, sans les rendre nécessaires et sans porter atteinte à notre libre arbitre. Voy. Adelgerus, de Libero arbitrio ; dans le Thesaurus anecdotorum de Pèze, t. IV, p. 2.


ADÉQUAT, se dit en général de nos connaissances et surtout de nos idées. Une idée adéquate est conforme à la nature de l’objet qu’elle représente. Mais quels sont les objets véritables de nos idées, ou, ce qui revient au même, quels sont les modes de notre intelligence auxquels le mot idée, conformément aux plus illustres exemples, doit être consacré particulièrement ? L’idée nous représente l’essence invariable et intelligible des choses, tandis que la sensation correspond