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qui sont acquises et se bornent à maintenir les mouvements de l’esprit dans de justes bornes (Ib p. 476).

Albert forma de nombreux disciples, parmi lesquels nous avons déjà cité S. Thomas, qui, sous le nom d’Albertistes, propagèrent ses doc­trines. Cependant il a exercé moins d’influence comme chef d’école que par l’exemple de son érudition et de ses travaux. Dès qu’il eut en­trepris de commenter les écrits d’Aristote et des philosophes arabes nouvellement traduits en latin, il semble que l’Église se soit montrée moins dé­fiante envers des ouvrages que protégeait l’ad­miration du pieux docteur. Un concile, tenu à Paris en 1209, avait cru devoir en interdire la lecture ; cette défense, renouvelée en 1215, était déjà adoucie en 1231, " et à la mort d’Albert, les livres qu’elle frappait avaient acquis une immense autorité dans toutes les écoles de l’Europe chré­tienne. Ceux qui pensent que le règne d’Aristote au moyen âge a été funeste pour les sciences useront, sans doute, de sévérité à l’égard de l’écrivain infatigable, par l’influence duquel ce règne s’est affermi et consolidé ; mais ceux qui ne partagent pas cette manière devoir, qui jugent, loin de là, qu’au xme siècle le péripatétisme commenté par les philosophes arabes ne pouvait qu’offrir d’utiles directions et d’abondants ma­tériaux à l’activité des esprits, compteront parmi les titres de gloire d’Albert d’avoir contribué à le répandre et à le faire connaître.

La plupart des ouvrages d’Albert indiqués dans la Bibliothèque des frères Prêcheurs avaient été réunis à Cologne en 1621 par le dominicain Jammy. Cette collection forme 21 volumes in-fol. dont voici le contenu:t. I à VI, Commentaires sur Aristote ; t. VII à XI, Commentaires sur les livres sacrés ; t. XII et XIII, Commentaires sur Dcnys l’Aréopagite et Abrégé de Théologie ; X. XIV, XV et XVI, Explication des livres des Sentences de Pierre Lombard ; t. XVII et XVIII, Somme de Théologie ; t. XIX, Livre des Créatures (Summa de Creaturis) j t. XX, Traité sur la Vierge ; t. XXI, huit Opuscules, dont un sur l’alchimie. Indépendamment des ouvrages et dissertations que nous avons cités, on peut consulter sur la vie, les écrits et la doctrine d’Albert, Rudolphus Noviomagensis, de Vita Alberti Magni, libri III, Coloniæ, 1499 ; Bayle, Dictionnaire historique, art. Albebt ; Histoire littéraire de la France, t. XIX, et Albert le Grand, sa vie et sa science, d’après les documents originaux, par le Dr Joa— chim Sighart, trad. de l’allemand par un religieux de l’ordre des frères Prêcheurs. Paris, 1862, in-12.

C. J.

ALBINUS, platonicien du n* siècle après J. C. Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il enseigna au célèbre médecin Galien la philosophie platoni­cienne, qu’il a laissé une introduction gramma­ticale et littéraire aux Dialogues de Platon, im­primée par Fischer (in-8, Leipzig. 1756), ainsi qu’un travail encore inédit sur l’ordre qui a présidé à la composition des écrits de Platon. Voy. Alcuin.

Âlcidamas d’Elée, sophiste dont le nom ne serait pas connu, si les disciples de Socrate ne l’avaient représenté dans leurs écrits sous un jour très-défavorable.


ALCINOUS florissait au ier siècle après J. C. Formé à l’école d’Alexandrie et fidèle à l’esprit de cette école, il commença le premier à mêler à la doctrine de Platon les opinions d’Aristotc et les idées orientales. On en a trouvé la preuve dans son Introduction à la philosophie de Platon, espèce d’abrégé où il expose assez complètement ce vaste système, mais en y ajoutant des éléments étrangers. Par exemple, quand il parle des esprits et des démons, il paraît en savoir beaucoup plus que Platon:il les fait, les uns visibles, les autres invisibles ; il les distribue entre tous les éléments, nous fait connaître leurs rapports, leur influence, et met sous nos yeux une démonologie complète, de laquelle à la magie il n’y avait plus qu’un pas à faire. Voy. Alcinoi, Introductio in Platonis dogmata Lambini, grec et latin, in-fol., Paris, 1553 ; Scholl. Dion. Lambini, grec et latin, in-4, Paris, 1561; cum Syllabo alphabetico platonico— rum, per Langbœnium et Felium, Oxford, 1667-68.

ALCMÉON de Crotone. Un des plus anciens pythagoriciens, s’il est vrai que Pythagore lui— même, vers les dernières années de sa’vie, l’ait initié à sa doctrine. D’après cette supposition, il aurait vécu dans le ve siècle avant J. C. Quoique les anciens l’estiment surtout comme médecin, il est loin d’être sans valeur comme philosophe. Aristote (Métaphys., lib. I, c. v) le signale comme ayant observe le premier que les divers prin­cipes de la connaissance humaine sont opposés entre eux, et peuvent être représentés par les antithèses suivantes, au nombre de dix :

Fini et infini.Repos et mouvement

Impair et pair.Droit et courbe.

Unité et pluralité. Lumière et ténèbres Droit et gauche. Bien et mal.

Mâle et femelle.Carré et toute figure à

  • côtés inégaux.

Cette table pythagoricienne tend évidemment à diviser le monde intelligible d’après le nombre réputé le plus parfait ; c’est pour la même raison que les pythagoriciens ont divisé en dix sphères le monde sensible. Il est superflu de faire res­sortir ce qu’il y a d’arbitraire dans un tel arran­gement ; mais, malgré son imperfection, cette table n’en est pas moins remarquable, car elle peut être regardée comme la première tentative qui ait été faite pour remonter aux notions les plus générales et dresser une espèce de liste des catégories ; c’est là sans doute qu’Aristote aura puisé l’idée de la sienne, composée de dix notions simples. Quant à savoir si ce pythagoricien est réellement l’auteur de la table qui lui est attri­buée, ou s’il en a seulement donné l’idée, c’est une question peu importante et qui ne saurait être résolue avec certitude.

Les anciens historiens lui attribuent encore quelques opinions philosophiques d’une moindre importance. On lui fait dire, par exemple, que le soleil, la lune et les étoiles sont des substances divines, par la raison que leur mouvement est continu ; que l’âme humaine est semblable aux dieux immortels, et par conséquent immortelle comme eux, etc. (Arist., de Anima, lib. 1, c. il.

  • Cic., de Nat. Deor., lib. I, c. xi. — Jambl., in Vita Pythag., c. xxiii.)

Il est à regretter que rien ne se soit conservé de ses écrits, sauf quelques fragments de fort peu d’étendue ; dans l’un, cité par Diogène Laërce (liv. VIII, c. xm), il accorde aux dieux une con­naissance certaine ou probable des choses invisi bles aussi bien que des choses périssables, et par là il semble indiquer que cette connaissance est refusée à l’homme ; mais ce fait unique doit d’au­tant moins suffire pour le ranger parmi les philo­sophes sceptiques, que seg autres doctrines portent un caractere prononcé de dogmatisme. — On mentionne encore un sophiste du nom d’Alcméon, auquel Crésus aurait donné autant d’or qu’il lui était possible d’en emporter en une fois (Hérod., liv. VI, ch. cxxv).

ALCUIN {Flaccus Albinus Alcuinus), né, sui­vant les conjectures les plus probables, dans le Yorkshire, vers 735, fut élevé dans l’école du mo­nastère d’York, sous les yeux de l’archevêque Egbcrg. Quelques historiens pensent qu’il a reçu des