Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/87

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qu’on peut avancer avec le plus de certitude, c’est que ce second principe ne joue aucun rôle dans son système. Ainsi, dans la cosmogonie d’Anaxi­mène, les modifications successives que subit la substance primordiale, en vertu de la condensa­tion et de la dilatation, s’effectuent fatalement, et en l’absence de toute cause providentielle, at­tendu que cette dilatation et cette condensation, d’où résultent toutes ces modifications, sont elles— mêmes la conséquence nécessaire d’un mouve­ment inhérent de toute éternité à l’élément gé­nérateur.

Indépendamment des histoires générales de la philosophie, on peut consulter Tiedemann, Pre­miers philosophes delà Grèce, in-8, Leipzig, 1780 (ail.). — BouterweJc, de Primis philosophiae grœcæ decretis physicis, dans les Mémoires de la Société de Goëttingue, 1811. — S.hmidt, Dis­sertatio de Anaximensis Psychologia, Iéna, 1689. — C. Mallet, Histoire de la Philos, ion., art. Anaximène, in-8, Paris, 1842. — Voy. en­core : Diogène Laërce, liv. II, ch. ir. — Aristote, Metaphys., lib. I, c. ni. — Simplicius, in Physic. Aristot., fus 6 et 9. — Cic., Acad. quœst., lib. II, c. xxxvii. — Plutarch., de Placit. philos., lib. I, c. m. — Stob., Eclog., lib. I. — Sextus Empiricus, Hypoth. Pyrrh., lib. III, c. xxx ; Adv.Mathem., lib. VII et IX.X.

ANCILLON (Jean-Pierre-Frédéric), né en 1766, à Berlin, appartient à une famille de pro­testants français établis en Prusse depuis la révo­cation de l’édit de Nantes. Son père, ministre, prédicateur et théologien distingué, a laissé quel­ques écrits philosophiques. Frédéric Ancillon fut d’abord ministre protestant, puis professeur à l’Académie militaire, membre de l’Académie des sciences de Berlin, conseiller d’État, secré­taire d’ambassade, et enfin ministre des affaires étrangères du roi de Prusse. Sans parler de plu­sieurs traités théologiques, il a composé des ou­vrages sur la politique et sur l’histoire, dont le plus remarquable est son Tableau des révolutions du système politique de VEurope depuis le quin­zième siècle. Quant à ses publications philo­sophiques, sans annoncer μη penseur original et profond, elles assurent à l’auteur une place dis­tinguée dans la réaction spiritualiste qui a mar­que le commencement du xixe siècle. Elles ont contribué à faire valoir et à propager des idées saines, élevées, et à ramener les esprits à des opinions sages et modérées en philosophie, en littérature et en politique. L’idée dominante qui fait le fond de tous ses écrits, est celle d’un milieu à garder entre les extrêmes. Ce principe, excellent comme maxime de sens commun à cause de l’esprit de sage modération et de conci­liation qu’il recommande, a le défaut d’être vague et indéterminé comme formule philosophique, et de ne pouvoir s’énoncer d’une manière plus pré­cise sans devenir lui-même exclusif, absolu, étroit. Il est d’ailleurs emprunté à un ordre d’idées qui ne peut s’appliquer aux choses morales et à la philosophie : dès qu’on le prend à la lettre, il se résout dans un principe mathématique. Cette idée d’un milieu entre les contraires est fort ancienne. Aristote, comme on sait, faisait con­sister aussi la vertu dans un milieu entre deux extrêmes, et, avant lui, Pythagore, appliquant au monde moral les lois mathématiques, défi­nissait la vertu un nombre carré, et la justice une proportion géométrique. M. Ancillon n’a sans doute pas voulu donner à son principe la rigueur d’une formule mathématique ; mais alors que signifie ce principe ? On conçoit que l’on prenne le milieu d’une ligne, que l’on dé­termine le centre d’un cercle, que l’on établisse une proportion entre deux quantités ; mais quel est le juste milieu entre deux opinions contra­dictoires, entre le oui et le non, entre deux sys­tèmes dont l’un nie ce que l’autre affirme, par exemple, entre le matérialisme et le spiritua­lisme, l’athéisme et le théisme, le fatalisme, et le libre arbitre ? C’est, direz-vous, d’admettre à la fois l’esprit et· la matière, le monde et Dieu, la liberté et la nécessité. Sans doute, le sens commun peut se contenter de cette réponse ; il n’est pas obligé de mettre d’accord les systèmes et de résoudre les difficultés qui naissent de l’a­doption des contraires ; mais elle ne saurait sa­tisfaire la philosophie, dont le but est préci­sément de chercher le rapport entre des termes opposés : on n’est philosophe qu’à cette con­dition. Le panthéisme, le matérialisme et le scepticisme ne sont arrivés à des conséquences extrêmes, que parce qu’ils ont voulu expliquer l’existence simultanée de l’infini et du fini, de la matière et de l’esprit, de la vérité et de l’er­reur. Ne pouvant parvenir à concilier les deux termes, ils ont sacrifié l’un à l’autre. Il est donc évident qu’il ne suffit pas de prendre un milieu entre la matière et l’esprit, ce qui n’est rien du tout, ou ressemblerait tout au plus à la fiction du médiateur plastique ; il faut montrer comment, l’esprit étant, la matière peut exister, et comment ils agissent l’un sur l’autre en conservant leurs attributs respectifs. Il en est de même du fini et de l’infini, de la liberté dans son rapport avec Dieu et la prescience divine. Le seul moyen de se placer entre les systèmes qui ont cherché à ré­soudre ces grandes questions, c’est de proposer une solution nouvelle et supérieure. Le rôle de média­teur n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire d’après M. Ancillon ; il impose des conditions que les plus grands génies, Leibniz entre autres, n’ont pu remplir. Quoi qu’il en soit, la doctrine d’un milieu entre les systèmes opposés n’offre aucun sens véritablement philosophique ; ellf n’explique rien, ne résout rien ; elle laisse toutes les questions au point de vue où elle les trouve. Elle n’est vraie qu’autant qu’elle se borne à re­commander la modération, l’impartialité, qu’elle invite à se mettre en garde contre l’exagération. Elle suppose d’ailleurs une condition essentielle, la connaissance approfondie des opinions et des doctrines que l’on cherche à concilier. Or, M. An­cillon n’a pas étudié à fond les systèmes de l’an­tiquité ; on peut s’en convaincre par la manière dont il juge Platon, et les autres philosophes grecs. Il est plus familiarisé avec les travaux de la philosophie moderne. Cependant l’exposition qu’il fait des grands systèmes qui marquent son développement, est faible et superficielle. Sa cri­tique est étroite et ses conclusions sans portée. Il ne sait pas se placer à la hauteur des théories qu’il a la prétention de juger. Tout ce qu’il a écrit en particulier sur la philosophie allemande, sur Kant, Fichte, Schelling, atteste cette insuffi­sance. Parmi les philosophes allemands, sa place est marquée dans l’école de Jacobi. Il adopte, comme lui, le principe du sentiment, et il fait de la foi la base de la certitude ; mais il appartient plutôt à l’école française éclectique et psycholo­gique : son principe du milieu est une base un peu étroite de l’éclectisme ; il donne pour point de départ à-la philosophie l’analyse du moi, et ramène tout aux faits primitifs de la pensée, comme constituant les véritables principes. 11 possède à un degré assez éminent le sens psy­chologique, et c’est là ce qui fait le principal mérite de ses écrits. Il a développé dans un style clair, précis, qui ne manque ni de force ni d’élo­quence, des points intéressants de psychologie, de morale, d’esthétique et de politique. — Ses principaux ouvrages philosophiques sont les sui­

vants : Mélanges de littèraVure el de philosophie,

  1. vol. in-8, Paris, 2e édit., 1809 ; — Essais )>hi— losophiques, ou Nouveaux mélanges de littéra­ture et de philosophie, 2 vol. in-8, Genève et Paris. 1817 ; — Nouveaux essais de politique el