Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/12

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moins usé sans doute par les années et la maladie que par la fatigue et par l’angoisse.

Un an auparavant, sur le bruit qui avoit couru de sa fin prochaine, Boileau écrivoit à Racine ce peu de mots, où se trouve l’accent d’un intérêt sincère (lettre du 19 mai 1687) : « On vient de me dire que Furetière est à l’extrémité, et que par l’avis de son confesseur il a envoyé quérir tous les académiciens offensés dans son factum, et qu’il leur a fait une amende honorable dans toutes les formes, mais qu’il se porte mieux maintenant. J’aurai soin de m’éclaircir de la chose, et je vous en manderai le détail7. » Ménage, dont les lumières eussent été si utiles à l’Académie, et à qui elle préféra Bergeret, écrivoit dans ses Anas (tome 1er, p. 97) : « L’Académie tout entière a été sacrifiée à la passion de quelques uns de son corps. Je ne les nommerai pas, car il y en a qui sont de mes amis. M. de Furetière étoit un sujet à ménager : n’avoit-il pas les rieurs de son côté8 ? et, excepté quelques intéressés de l’Académie, tout le reste lui donnoit les mains. Cependant, et l’Académie, et lui, ont joué à la bascule, comme les enfants, sans pouvoir convenir d’un équilibre qui leur auroit sauvé, à l’un et à l’autre, tant de mauvaises démarches dont le public se divertit. »



7. Ménagiana, t. 1er.

8. Le Carpenteriana corrobore sur ce point le témoignage de Ménage : « Je ne crois pas faire grand tort au corps entier de l’Académie en m’attribuant l’épître et la préface de son Dictionnaire, puisque j’en suis l’auteur. Il seroit à souhaiter que chaque académicien eût autant travaillé que moi à cet ouvrage, Furetière n’auroit pas le public de son côté. » (Carp., p. 371.)